Depuis les années nonante, nous connaissons HALLOWEEN…Les commerçants voudraient nous faire croire que c’est une ancienne fête de chez nous !

Pas si simpl(ist)e…

– En fait, ils n’ont importé que la partie commerciale de la fête d’Halloween telle qu’elle est vécue actuellement aux États-Unis : vente de décoration, vente de déguisements, vente de citrouilles, vente de friandises, vente de…

– En France, dès 1998, Halloween est adoptée par les commerçants et certains médias, pour combler la « période creuse » avant les fêtes de Noël.

– Dans plusieurs pays ne célébrant traditionnellement pas Halloween, son introduction a suscité une opposition plus ou moins forte. Certaines voix se sont élevées pour dénoncer une américanisation croissante du monde.

– Notre tradition avait pourtant gardé jusqu’au début du XXe siècle quelques éléments de cette fête gauloise (Samain en français, Halloween en anglais). Nulle part, il n’était question de décoration, de citrouilles (mais de betteraves), de Dracula (roman de 1897) et autres vampires (légende de 1725), de zombis (culture d’Haïti), de la créature de Frankenstein (roman de 1818), d’araignées…

Les sources de la Samain sont essentiellement irlandaises.

– Samain est la fête irlandaise la plus racontée dans les récits mythologiques et épiques du Moyen Âge. En Irlande, ce n’est qu’au VIIe siècle que le synode de Whitby (664) préconise l’abandon des rites celtes au profit du rite romain mais certains usages celtiques se maintiendront jusqu’au XIIe siècle.

– C’est le nouvel an des Celtes. C’est avant tout une assemblée où l’on fait les lois.

Les aspects religieux et festifs accompagnent naturellement cette réunion. Cette fête est dédiée à Lug, le chef de tous les dieux, l’universel « homme d’art du monde », le maître de la lumière, du temps et de la nuit.

1) L’ASSEMBLÉE LÉGALE

« Voici la raison pour laquelle on célébrait la fête de Samain : parce que les lois étaient faites là par les hommes d’Irlande et que personne n’osait les transgresser jusqu’à ce qu’ils soient réunis à nouveau au bout d’un an. Et quiconque les transgressait était banni d’Irlande. »

Les Celtes qui ont choisi de transmettre leur savoir oralement doivent donc tout retenir de mémoire.

D’où l’importance d’une telle réunion annuelle (le festin de Tara), sorte de Parlement :

  • on y décidait des règlements, des lois et des coutumes ;
  • on y approuvait les « évènements » qui s’étaient passés pendant l’année et ainsi l’histoire de l’Irlande ;
  • et tout ce qui n’était pas conforme à cela n’était pas considéré comme valable ;
  • y prenaient part :  – les docteurs (les druides (=savants), qui géraient et retenaient tout),

– les nobles,

– et les chefs militaires.

« Ni querelle, ni violence n’étaient tolérées parce que les druides étaient là qui préparaient, ordonnaient, dirigeaient le festin suivant les normes traditionnelles ».

2) LE BANQUET et 3) LA RELIGION

Ce qui domine de loin la fête de Samain, c’est le grand banquet royal et militaire.

« Trois jours avant, trois jours après et le jour même de la fête font sept jours, soit une semaine. »

– La viande de porc (dédiée au dieu Lug) et le vin (grâce à l’ivresse) donnent accès à l’éternité. L’hydromel également est la boisson de l’immortalité.

– La fête est marquée par de grands festins qui rappellent et imitent ceux de l’Autre Monde.

Selon leurs croyances, Samain, c’est en effet le jour où les hommes ont accès à l’Autre Monde (le Sid), au monde des dieux.

– Les messagères des dieux viennent chercher, le temps de la fête, les guerriers qu’elles ont élus.

– Les gens du Sid viennent sur terre pour aider ou obliger les humains à participer à cette éternité.

– L’année celte comprend un an + un jour (le 1er novembre où le temps est suspendu et se confond avec le temps de l’Autre Monde).

Cette fête n’a rien de lugubre. Elle est religieuse. Ce festin rituel est obligatoire (sous peine de folie et de mort. Il faut attendre la Samain suivante pour sortir de la folie).

En résumé : le rituel de Samain : 1. Les druides (r)allument le feu (« tous les feux d’Irlande devaient être éteints cette nuit-là sous peine d’amende »). Ils pratiquent les sacrifices et dirigent des cérémonies religieuses. Puis ils président aux assemblées légales (Parlement) auxquelles prennent part le roi et les nobles. 2. Les guerriers participent à des banquets, des festins. C’est la partie la plus visible de la fête. 3. Le peuple prie ses dieux avant d’aller prendre sa menue part du festin et assister aux jeux. Samain (Halloween) a été christianisé par la Toussaint et la Fête des Morts.

Le folklore de Samain (en anglais Halloween : « veillée de Toussaint »).

– Il ne faut jamais perdre de vue que le folklore n’est pas la tradition mais un reste ou un souvenir inconscient de la tradition préchrétienne. Regrouper sous le nom de « traditions » des ensembles populaires ou folkloriques, c’est commettre une lourde erreur d’appréciation.

– La tradition veut un mode savant de transmission, orale ou écrite ; le folklore est toujours inconscient.

– Samain est devenue une fête rurale : la structure organisée de la tradition préchrétienne a disparu, même si l’atmosphère surnaturelle et irréelle de la fête préchrétienne s’est maintenue, les dieux et déesses ont disparu, remplacés par les fairies (fées). La magie a supplanté tout culte organisé dans une foule de pratiques et de croyances populaires. Il ne doit faire aucun doute qu’il existe sur le continent, dans l’ancien et vaste domaine des populations d’origine celtique, d’innombrables traces diffuses de l’antique fête celtique de novembre.

– L’atmosphère surnaturelle et irréelle de la fête celtique est restée et la magie a remplacé la religion par beaucoup de pratiques et de croyances populaires.

Sont restées : – l’idée de lumière/obscurité            à les bougies allumées à la nuit tombée

– l’idée de repas                                 à les bonbons

– l’idée de l’au-delà                           à les fantômes, les revenants (la peur)…

Sources : Françoise Le Roux et Christian-J. Guyonvarc’h (Université de Rennes)

PRATIQUES ET CROYANCES POPULAIRES DE LA TOUSSAINT (jusqu’au début du XXe siècle)

DANS NOS RÉGIONS

Cette période était dénommée « Samain » et il n’était pas rare de voir des betteraves (et non des citrouilles) décorées le long des routes (les Grign’ Dints en wallon). On pouvait aussi voir des enfants grimés et masqués se balader dans nos villes et villages. Cependant, cette tradition a disparu dans la tourmente des années de guerre (14-18).

Durant la période de la Toussaint, les revenants reviennent dans le lieu où ils ont vécu. À Liège, la croyance populaire précise que le Bon Dieu ouvre le Paradis, le Purgatoire et même l’Enfer pour quelques heures. Une multitude d’âmes envahissent le monde des vivants tout en le perturbant. Le travail s’arrête, les voyages sont réduits aux visites des tombes, les bruits sont étouffés… Tout est réalisé dans le but à la fois de ne pas les déranger et surtout de ne pas les faire apparaître. Les apparitions peuvent être dérangeantes et parfois même meurtrières.

EN GAUME

– Les jeunes ont l’habitude de tailler des betteraves pour en faire des lanternes. Ils les placent sur les murs des cimetières pour faire peur aux filles.

– Saint-Mard. On ne va pas ou peu au café. Le soir, personne ne sort de chez soi. On passe la soirée en prières. Le bétail doit être rentré avant le crépuscule, sinon on en perdrait fatalement une partie.

Toute personne qui voyage le soir risque de s’égarer. C’est surtout pendant cette saison qu’on verra s’élever les feux follets (les leum’rettes) qui sont les signes des malheurs qui vont survenir.

Après l’office du soir, on sonne le glas toute la nuit. Des troupes de jeunes gens circulent dans le village en frappant aux fenêtres, et crient : « Réveillez-vous, gens qui dormez et priez pour les trépassés. »

– Virton. Au « rez de la nuit », on allume des bougies sur les tombes.

EN LORRAINE FRANÇAISE

– À Ugny, on ne va que peu au café. Le soir personne ne sort de chez soi, on passe la soirée en prière.

– Il fallait également éviter de sortir, car pendant la soirée, les feux follets s’élevaient du sol et le malheureux voyageur se voyait attiré irrésistiblement par ces âmes du Purgatoire qui l’emmenaient avec elles.

– À Breux aussi, les cabarets étaient désertés.

– Le soir de la Toussaint, il ne fallait pas laisser de bêtes en pâture. Il convenait de les rentrer à l’écurie avant la tombée de la nuit. Sinon, elles s’égareraient et celui qui voudrait les retrouver se perdrait lui aussi.

– La nuit arrivait. C’était alors le début de longues heures de sonneries de cloches. À Ugny, elles tintaient de 4 ou 5 heures du soir jusqu’au lendemain matin à 9 heures. Même coutume à Chénières, Hannonville-Suzémont… Toutes les heures à Villers-la-Montagne, jusque 22 ou 23 heures à Bruville, jusque minuit à Mars-la-Tour avec reprise le lendemain matin… Pour encourager les sonneurs, on leur portait du vin !

– À Nouillonpont, après le repas du soir, on laissait sur la table de la pièce habituelle une bouteille pleine d’eau, un verre et de la nourriture sur un plat. Le feu était réapprovisionné avant d’aller se coucher. On racontait en effet qu’après que chacun fût allé sonner sa rampe, les morts venaient se ravitailler.

AUTRES RÉGIONS DE BELGIQUE

– Partout en Belgique, d’innombrables quantités de cierges bénits brûlent toute la nuit dans les maisons afin d’en écarter les âmes en vadrouille parties tourmenter et épouvanter les vivants.

– Herstal (Liège). Un homme allait de maison en maison frapper aux fenêtres en lançant : « Chrétiens, réveillez-vous et priez pour le repos des âmes ! » (voir Saint-Mard)

– En Campine. Un coq noir grimpait sur le toit de certains logis pour y chanter. Le propriétaire savait ainsi qu’il lui restait un an et un jour à vivre.

– Un peu partout, dans les campagnes, des processions s’organisent autour des cimetières, chaque assistant portant un cierge qu’il s’en ira ensuite placer sur la tombe du dernier défunt de la famille.

– En Limbourg, on s’en va en fin d’après-midi déposer une croix de paille sur la sépulture d’un disparu. Le temps de quelques prières et l’on se retrouve en groupes au cabaret, buvant et chantant. Au premier coup de minuit, on dépose la chope et l’on reprend le chemin du cimetière pour y allumer sa croix.

À Dixmude et dans les environs, on prétend que pour chaque friandise avalée, une âme quitte le purgatoire.

– La veille, à Ypres, les enfants installaient, autrefois une chandelle allumée sur le pas de la porte, réclamant aux passants quelques sous « om koeken te bakken voor zieltjes in het vagevuur », « pour cuire des gâteaux à l’intention des petites âmes du purgatoire ».

– Ailleurs en Brabant, à Anvers, dans le Limbourg, les petits pains sont marqués d’une croix et bénis de grand matin (la coutume des « koekebakken » du jour des morts).

BRETAGNE

– Les âmes des morts revenaient la nuit à la veille de la Toussaint et lors des nuits de solstice. Avant d’aller se coucher, on leur laissait de la nourriture sur la table et une bûche allumée dans la cheminée pour qu’ils puissent se chauffer.

Sources :

La Gaume E. Fouss, éd. Duculot

Le temps de la soupe au lard, éd. Serpenoise

Le Grand Livre de la Fête, éd. Séquoïa

Esprits & Revenants en Wallonie éd. Noir dessin production